Extrait de Compassion Rayonante
1974 le 16e Gyalwa Karmapa vistait l'occident ...
Paris...
Contrairement aux événements partiellement improvisés d’Europe du Nord, le plus grand moment de la visite de Karmapa en France eut lieu le 8 janvier 1975 dans un cadre particulièrement solennel : pour l’occasion, une grande salle de l’hôtel parisien cinq étoiles Sheraton avait été louée.[1]Lors des deux cérémonies de la Coiffe Noire les strates les plus diverses de la société se croisèrent, les classes moyennes et supérieures étant plus fortement représentées que la subculture de la jeunesse . Selon le souhait de Karmapa, Arnaud Desjardins, qui lui avait rendu visite à plusieurs reprises à Rumtek dans les années 1960, ouvrit la cérémonie. Le célèbre documentariste prononça un discours de bienvenue émouvant. Le public varié comprenait aussi des prêtres catholiques et le célèbre maître Zen Taizin Deshimaru, placé sur la scène avec quelques étudiants. Personne ne s’attendait à une telle affluence, la salle débordait littéralement et il était impossible de laisser entrer tout le monde. Que faire ? L’une des organisatrices, Georgina de Swartes, sortit alors son chéquier et réserva la salle pour une seconde cérémonie. Ce fut certainement le plus grand événement en Europe, avec un public de trois à cinq mille personnes, dont cinq cents prirent refuge. Karmapa passa au milieu des rangées de milliers de visiteurs pour, selon la tradition lors de la prise de refuge, couper lui-même de petites mèches de cheveux aux “nouveaux” bouddhistes.
Lors de cet évènement Karmapa montra à nouveau l’influence qu’il avait sur les autres maîtres. Ken Holmes décrivit ainsi l’attitude du maitre Zen Deshimaru :
au cours de la cérémonie, il paraissait être de plus en plus mal à l’aise dans l’incroyable aura de cette initiation. Il semblait osciller entre le rôle de professeur et celui d’élève. Sa Sainteté prit le damarou (tambour à main) et tout en jouant, fixa le Maître Zen. A la fin du passage, il joua le dernier crescendo comme un coup de tonnerre , et le maitre Deshimaru fut littéralement secoué. Sa Sainteté sourit. Le Maître Zen se détendit alors et sembla avoir compris quelque chose. Par sa capacité à montrer aux êtres de différents caractères ce dont ils ont besoin, Karmapa était un maître des maîtres.[2]
Visiblement impressionné par Karmapa , le Maître Zen l’invita dans son centre. Pour lui exprimer son respect, il lui offrit, selon Lama Ole Nydahl, « les plus beaux des cadeaux que je ne lui ai jamais vu recevoir », dont « une bonne douzaine de statues, pour la plupart tantriques. »[3]
À Paris, Karmapa et son entourage séjournèrent dans le nouveau centre Kagyu Dzong fondé par Kalou Rinpoché. Deux bienfaiteurs virent alors le voir , chacun pour lui donner une ferme et un terrain afin d’y établir un centre : Bernard Benson, propriétaire de vastes terres en Dordogne et Erwan Temple, d’un grand domaine dans les Pyrénées.
Selon Erwan Temple, le public des différents événements à Paris
"... était composé de personnes déjà établies. Ils venaient par le biais de cercles et d’associations des De Swartes, Jacques Bensoam, Madame Eyserric, Anne Berry, Maurice Hélène et d’autres. Chaque groupe amenait d’autres personnes issues de son cercle. Parmi les présents se trouvaient également Madame Kaufmann, théosophe avec de nombreux disciples à Paris et Paul Arnold..." [4]
La rencontre avec Karmapa fut une expérience essentielle pour beaucoup et eut de larges répercussions, y compris pour les organisateurs. Comme le précise Erwan Temple :
"Elle leur donna l’énergie d’œuvrer pour le Dharma pendant au moins quelques années : certains écrivirent des livres, réalisèrent des films, donnèrent des conférences, d’autres financèrent des centres. Personne ne repartit sans s’engager plus avant. Environ les trois quarts de ces personnes consacrèrent une grande partie de leur vie ou toute leur vie au Dharma."[5]
L’étape suivante du voyage conduisit Karmapa à Kagyu Ling en Bourgogne, fondé également par Kalou Rinpoché l’année précédente. C’était le seul centre Kagyupa en France, à part Kagyu Dzong. Il inaugura le centre, installé dans un château.
Dans ce lieu, ses disciples occidentaux ont pour la première fois été témoins de la façon dont Karmapa aidait les oiseaux après leur mort. Ole Nydahl : « A Kagyu Ling , nous avons, pour la première fois, vu les oiseaux de Karmapa en méditation. Un lama, exultant de joie, descendit les escaliers tenant un oiseau jaune sur une petite assiette. Il était assis là, tout raide, le bec pointé vers le haut. Le Lama nous dit « Il a été béni par Karmapa ». L’oiseau venait juste de mourir et avait été amené Rangjung Rigpé Dordjé, car il était connu pour sa capacité à aider les animaux après leur mort. Karmapa commenta : « Son esprit sera libéré ce soir. C’est un Bodhisattva ». Et en effet, le soir venu l’oiseau ’s’effondra sur le côté et fut, selon Nydahl, « enterré avec un rituel ». Partout, Karmapa ’s’occupait avec tendresse du nombre croissant de ses petits compagnons de voyage. Il récitait des mantras puis soufflait dessus pour les bénir. « Je leur enseigne la méditation », expliquait-il aux personnes présentes. « Les pinsons jaunes et les canaris, en particulier, sont souvent des Bodhisattvas. Regardez comment ils ’prennent soin les uns des autres lorsqu’ils sont malades. Et Iils ne mangent jamais de graines avec des vers pour ne pas nuire aux insectes.. »[6]
Audience avec le Pape
Au cours de son voyage, Karmapa avait déjà rencontré des représentants du clergé - dont l’évêque de Stockholm et ceux d’Autun, ville proche de Kagyu Ling – mais une rencontre interreligieuse bien plus importante était désormais à l’ordre du jour : Karmapa s’envola pour Rome où une audience était prévue avec le Pape. Namkhai Norbu Rinpoché en était l’organisateur. Le pape Paul VI, connu pour son intérêt pour le dialogue interreligieux, reçut Karmapa avec un discours émouvant:
Votre Sainteté, nous sommes heureux de vous accueillir aujourd’hui dans le palais apostolique et de vous exprimer notre gratitude d’avoir souhaité nous rencontrer. Nous sommes amis de tous les êtres de bonne volonté et particulièrement de ceux qui, comme vous, transmettent les valeurs spirituelles et morales de l’humanité.
Le second Concile du Vatican a exprimé sa admiration sincère pour le Bouddhisme sous ses différentes formes et souligné sa contribution à l’évolution de l’humanité. Nous avons créé un secrétariat afin de favoriser les relations avec les religions non chrétiennes. Nous sommes heureux que, dans le monde entier , nos frères et sœurs de l’Église catholique soient de plus en plus ouverts à une coopération amicale avec eux pour promouvoir la paix et les valeurs spirituelles et morales au sein de l’humanité
Tout progrès moral et religieux contribue à la paix mondiale. Nous souhaitons à Votre Sainteté un excellent séjour à Rome et une découverte enrichissante de la Basilique Saint-Pierre, qui reçoit la visite de pèlerins du monde entier en cette année sainte. Nous sommes tous pèlerins de l’Absolu et de l’Eternel, qui seulsc peuvent combler véritablement le cœur des hommes. Puisse notre rencontre d’aujourd’hui contribuer à la paix dans votre pays.
" Nous souhaitons également à votre Sainteté et à tous vos fidèles, abondance de prospérité spirituelle et de paix.[7]
Lors de sa visite à la Basilique Saint-Pierre, Karmapa ’s’ intéressa , entre autres, aux motifs en marbre sur le sol – rien d’étonnant, puisque leur forme rappelle celle des mandalas tibétains.
La rencontre avec le Pape a aussi retenu l’attention internationale - et on put lire le lendemain dans le New York Times :
Le pape Paul VI, ’ appelé "Votre Sainteté", salua hier, avec le même titre honorifique , un chef religieux tibétain, le Lama Gyalwa Karmapa, en visite au Vatican en compagnie d’autres moines bouddhistes."[8]
Avant de s’envoler à nouveau pour la France, il lui restait un peu de temps pour visiter la capitale italienne et faire quelques achats. Karmapa l’utilisa à sa manière pour le bien des êtres, comme Erwan Temple le raconte :
Une femme nommée Laura Albini invita Karmapa et son entourage dans un magasin de chaussures de luxe à Rome. Karmapa s’assit sur l’un des luxueux canapés. C’était une très grande salle, haute de plafond où les chaussures étaient posées sur des étagères en bois noble.. On présenta à Karmapa quelques modèles, mais il les refusa. En revanche, il pointa du doigt d’autres boîtes qu’il souhaitait. Il les ouvrit, toucha les chaussures, parfois souffla dessus puis les redonna. Il fit ceci pour un grand nombre de paires avant finalement d’en choisir une. Nous avons compris seulement plus tard qu’il avait demandé de lui apporter toutes ces chaussures pour créer un lien avec les animaux dont la peau avait servi à la confection.
Puis Karmapa nous surprit en repartant à pied. C’était sa première venue à Rome et pourtant il nous guidait. Il tourna dans une petite rue et entra dans une boutique de vente d’oiseaux ! Je ne me souviens plus exactement du nombre d’oiseaux qu’il acheta. La façon dont il avait trouvé la boutique est restée pour nous totalement mystérieuse. . On aurait pu croire qu’il avait un GPS dans la tête.[9]
Idylle dans la province française
Après son retour en France, Karmapa rendit visite aux De Swartes, couple qui l’avait invité à séjourner dans leur maison de campagne près de Saint-Étienne. Par une belle journée ensoleillée de janvier, il atterrit à l’aéroport de Lyon, où des journalistes l’attendaient déjà. Même si à l’époque la visite des maîtres tibétains n’était pas aussi couverte sur le plan médiatique qu’aujourd’hui, l’arrivée du Karmapa fut cependant annoncée à la télévision ’’nationale. Les journalistes essayèrent de suivre le maître tibétain - mais le chauffeur Etienne de Swartes les distancia grâce à sa conduite rapide sur les petites routes secondaires de la région, ce que Karmapa apprécia visiblement : la visite devait avoir un caractère privé.
La maison des De Swartes était idéalement située, dans une clairière r isolée. En ce jour d’hiver ensoleillé, outre le bruissement (de l’eau) du ruisseau, des sons jusqu’alors inconnus résonnaient : ceux des Gyalings tibétains qui accompagnaient l’arrivée de Karmapa tandis qu’il descendait en voiture le chemin d’entrée, décoré de signes auspicieux,.. Les jours suivants, ce lieu paisible , qui n’était qu’après tout qu’ une maison privée, fut en pleine effervescence. L’hôtesse Georgina de Swartes raconte :
" Le jour des cérémonies de la Coiffe Noire, nous étions soixante à déjeuner, dans deux cuisines. Karmapa s’était retiré au second étage car l’endroit grouillait de monde. Il ne descendit que pour les cérémonies. Nous étions tous très heureux avec Karmapa, nous formions vraiment une grande famille !"[10]
Comme le temple était trop petit pour contenir tous les invités, il donna deux ou trois cérémonies à la suite. Comme toujours, son séjour fut rempli d’invitations inattendues :
Tout d’un coup, le téléphone sonna. C’était un couple de Tibétains qui s’occupait d’une douzaine de jeunes orphelins tibétains à Lyon et assumait auprès d’eux le rôle de parents. Le couple invitait Karmapa et le priait de venir réciter des manis*. Nous sommes donc partis pour Lyon. Imaginez-vous la scène : Karmapa rayonnait d’une dignité naturelle, cependant sans jamais se mettre en avant ! Avec son autorité naturelle, il se dirigea directement vers le Lhakhang (temple) de la maison de l’hôte et inspecta l’autel. Mais de façon soudaine, il quitta la pièce avec un visage grave et dit à Etienne (de Swarte) "’Nous repartons, nous rentrons !
Les hôtes furent profondément choqués. Ils lui proposèrent de prendre au moins une tasse de thé. Mais Karmapa refusa :
« Non, non, on rentre ! » Il prononça ces mots d’une telle voix , que ’l’on aurait dit Mahakala en personne qui parlait, et non le Karmapa dont on avait l’habitude : « Nous partons ! »
Encore aujourd’hui nous ne savons pas comment nous avons réussi à rouler avec cet orage, sous une pluie battante, des éclairs et le tonnerre. À côté de nous, Karmapa ’ récitait sans cesse le texte de Mahakala. L’atmosphère dans la voiture était vraiment indescriptible, tout ceci semblait irréel.
Quand enfin nous arrivâmes à la maison de campagne, nous ne savions toujours pas ce qui s’était passé. Des années plus tard, les hôtes en eurent l’explication :
Sur l’autel de la maison se trouvait la représentation d’un certain « protecteur », c’est pourquoi Karmapa quitta immédiatement l’endroit et demanda à rentrer chez nous ![11]
Berceau de la civilisation européenne – Berceau du bouddhisme européen
Pendant son séjour chez les De Swartes, Karmapa reçut un appel téléphonique de Bernard Benson, un riche scientifique, qu’il avait déjà vu brièvement à Paris. Benson souhaitait rencontrer Karmapa pour lui faire part d’un don important en Dordogne. Il avait de grands projets, mais ceux-ci ne purent voir le jour, car ils incluaient, au grand dam des autorités locales, la création d’une enclave tibétaine souveraine avec son propre passeport et sa monnaie.[12] Un peu plus tard, il arriva avec sa femme et ses trois petites filles dans la maison déjà bondée, et s’entretint avec Karmapa pendant plusieurs heures. Georgina de Swartes : "puis débordant d’enthousiasme, il quitta la pièce et dit "Karmapa prend un taxi aérien demain matin et visitera la Dordogne." Karmapa décida de visiter le terrain de Benson, situé dans une région où le nom de nombreux lieux évoquent des époques du développement humain en Europe[13], et qui deviendrait aussi bientôt le berceau du bouddhisme européen.
Le lendemain, Karmapa quitta le petit paradis près de Saint-Étienne et s’envola pour Brive-La-Gaillarde, dans le sud-ouest de la France, où M. Benson et sa famille l’attendaient déjà. Jigmé Rinpoché se souvient :
"Nous nous sommes rendus ensemble au château de Chaban des Benson puis sur le point culminant de son bien sur la Côte de Jor. Là-haut, Karmapa proclama : « C’est exactement l’endroit approprié pour répandre le Dharma en Europe ! » C’était une journée magnifique, le ciel était complètement dégagé. Mme Benson trouva un coquillage fossilisé et l’offrit à Karmapa." [14]
Karmapa interpréta cela comme signe de très bon augure, puisqu’un coquillage semblable avait été trouvé au cours de la construction de Rumtek, et les coquillages symbolisent la propagation du Dharma.[15]
Pluie de bénédiction
Avant de partir, Karmapa avait demandé à Benson de prendre un parapluie. Christian Bruyat :
Benson répondit : « il fait très beau aujourd’hui, vous n’avez pas besoin de parapluie !" Mais Karmapa insista.
Il voulait marquer le lieu du futur monastère sur le terrain. Au moment où il bénit le site, du ciel bleu tomba une pluie légère, une "pluie de bénédiction". Karmapa expliqua alors : “Il pleut des fleurs !”[16]
Jigmé Rinpoché se souvient de cette pluie très particulière :
"Certaines personnes ne le croiront peut-être pas tandis que d’autres si, mais ces fleurs à nouveau disparurent deux mètres avant de toucher sol. Ce phénomène était visible seulement dans un rayon d’environ cent mètres carrés. Pour ceux qui croient fermement aux symboles et au mysticisme, ce signe est de grande importance. Les intellectuels, eux, en douteront peut-être.” Au même moment, des arcs-en-ciel apparurent et Bernard Benson les photographia. Karmapa souligna de nouveau que cet endroit deviendrait un lieu très grande portée pour le bouddhisme en Europe !"[17]
Karmapa voulut ensuite, comme autre symbole de la propagation du Dharma dans l’ouest, dresser un mât avec des drapeaux de prière sur le terrain. Ce qui arriva alors était un signe très positif de l’intégration de l’enseignement bouddhiste dans la nouvelle culture : deux policiers locaux avaient repéré le groupe depuis la rue voisine et s’étaient arrêtés pour le surveiller. Bruyat : « Karmapa fit signe aux gendarmes de venir et, comme des enfants, ils lui obéirent. Il leur demanda de tenir les poteaux et ils s’exécutèrent. Dans l’après-midi, il donna des explications sur l’orientation du monastère en pointant le doigt vers la colline opposée et annonça : « Il devrait être dans cette direction. Et s’il n’est pas construit rapidement, il y aura de très grands obstacles. »[18]
À cette époque, Benson avait déjà rencontré le chef de l’école Nyingmapa, Dudjom Rinpoché, et lui avait proposé de choisir une partie des terres. Karmapa n’en avait pas été informé. Une fois de plus ses actions contredisent toutes explications logiques car, dans son immense clairvoyance- nous ignorons à quels niveaux un Karmapa communique avec ses pairs – Dudjom Rinpoché n’accepta pas le don de l’ensemble des terres, et, poursuit Jigmé Rinpoché, « Karmapa choisit uniquement la partie que Dudjom Rinpoché n’avait pas prise. »[19] Dudjom Rinpoché avait déjà eu, au Tibet, une vision concernant la Côte de Jor, qui prophétisait que le Dharma se répandrait très largement à partir de cet endroit.[20]
La brève visite de Karmapa en Dordogne jeta les bases de son futur siège européen. Les terres de Benson abritent aujourd’hui deux centres Nyingmapa, chacun avec un centre de retraite traditionnelle de trois ans.
Le soir même, figurait au programme, à l’invitation du Centre Tibétain, une visite à Aix-en-Provence – de l’autre côté sud de la France, que Karmapa ne voulait pas annuler. Il était infatigable. Comme si la journée n’avait pas été assez riche en événements, et en raison de l’immense foule, Karmapa donna deux fois la Cérémonie de la Coiffe Noire, de la prise de refuge et des vœux de bodhisattva puis transmit l’initiation du Bouddha de Médecine.
Le chemin le conduisit ensuite, via Marseille, jusqu’aux contreforts des Alpes de Haute-Saône, où le psychologue Jean-Pierre Schnetzler, disciple de Kalou Rinpoché, lui offrit une ferme, qui deviendrait plus tard un autre important centre Karma Kagyu sous le nom de Karma Migyur Ling. En seulement trois semaines, trois centres avaient été offerts à Karmapa : Dhagpo Kagyu Ling, Karma Gön[21] et Karma Migyur Ling.
copyright: Gerd Bausch 2016/2021. Reproduction seulement avec permission ecrite.
[1]
[2] Ken Holmes in : Levine: Miraculous 16th Karmapa, a. a. O., p. 297.
[3] Nydahl: UberÜber alle Grenzen, a. a. O., édition 1990, p. 52/53
[4] Toutes les citations de Erwan Temple proviennent de l’interview accordée à l’ auteur aux Eyzies, 2013
[5] Ibidem
[6] Cit. selon Nydahl: Uber alle Grenzen, a. a. O., p. 53. Dans le chapitre Karmapa et les animaux, vol.2 figurent plusieurs récits sur la façon dont Karmapa aidait les animaux après leur mort.
[7] Le discours se trouve dans Walt van Praag : His Holiness Gyalwa Karmapa…, a. a. O.
[8] New York Times, 18.01.1975.
[9]
[10] Tous les citations de G. und E. de Swarte viennent de l’interview à Cotonas/ St. Just-Malmont, 2011.
[11] Interrogée lors de l’interview, Georgina de Swarte a confirmé que la personne en question était le protecteur mondain ou le démon rejeté par le Dalaï-Lama mais vénéré par la Nouvelle Ecole Kadampa (Shugden).
[12] Selon Jean-Louis Massoubre, qui a co-organisé le second voyage de Karmapa en Europe, la forme juridique prévue était la création d’une vaste ambassade tibétaine.
[13] Comme p.ex. l’époque Magdalénienne, Microquienne ou Moustérienne. Non loin se trouve la grotte préhistorique célèbre de Lascaux, que Karmapa visita en 1977.
[14] Jigmé Rinpoche, Conférence lors de l’inauguration de l’Institut, juin 2013.
[15] Récit de Anne Benson.
[16] Interview avec Christian Bruyat, Peyzac Le Moustier, 2013.
[17] Jigmé Rinpoche, conférence lors de l’inauguration de l’Institut., a. a. O. Guendune Rinpoché a expliqué plus tard que la perception d’une pluie fine ou d’une pluie de fleurs dépendait de l’ouverture ou de la réalisation de chacun.
[18] Interview avec Christian Bruyat, Peyzac Le Moustier, 2013. Cependant, la mise en œuvre du projet de monastère fut retardée et les obstacles ne tardèrent pas : comme aucun permis de construire n’avait pu être obtenu, en 1984, des terrains furent achetés en Auvergne pour construire des temples, des centres de retraite et des monastères sous la direction de Guendune Rinpoché. L’ouverture de la bibliothèque, souhaitée par le 16ème Karmapa, n’a pu se faire avant 2013 en raison de toutes ces difficultés. (Voir le chapitre : Les souhaits du Karmapa dans le volume 2).
[19] Jigmé Rinpoche, conférence lors de l’inauguration de l’Institut, a. a. O.
[20] Ibidem. Arrivé en Dordogne en 1974, Dudjom Rinpoché reconnut le paysage idyllique dont il avait eu la vision.
[21] Même si Karma Gön était un immense domaine au pied des Pyrénées, il ne se développa pas comme souhaité et fut abandonné par la suite. Le donateur Erwan Temple laissa le nom historique du monastère de Karmapa au Kham à l’organisation Diamond Way, qui l’utilise pour son centre près de Malaga (entretien avec Erwan Temple, juin 2013).
[ph1]Je ne comprends de quel centre il s’agit ?!
[ph2]Le nom complet de Karmapa me semble plus adapté et plus respectueux en français.
[g3]Ca fait trop lourde Rigpe Dordje est ok
1974 le 16e Gyalwa Karmapa vistait l'occident ...
Paris...
Contrairement aux événements partiellement improvisés d’Europe du Nord, le plus grand moment de la visite de Karmapa en France eut lieu le 8 janvier 1975 dans un cadre particulièrement solennel : pour l’occasion, une grande salle de l’hôtel parisien cinq étoiles Sheraton avait été louée.[1]Lors des deux cérémonies de la Coiffe Noire les strates les plus diverses de la société se croisèrent, les classes moyennes et supérieures étant plus fortement représentées que la subculture de la jeunesse . Selon le souhait de Karmapa, Arnaud Desjardins, qui lui avait rendu visite à plusieurs reprises à Rumtek dans les années 1960, ouvrit la cérémonie. Le célèbre documentariste prononça un discours de bienvenue émouvant. Le public varié comprenait aussi des prêtres catholiques et le célèbre maître Zen Taizin Deshimaru, placé sur la scène avec quelques étudiants. Personne ne s’attendait à une telle affluence, la salle débordait littéralement et il était impossible de laisser entrer tout le monde. Que faire ? L’une des organisatrices, Georgina de Swartes, sortit alors son chéquier et réserva la salle pour une seconde cérémonie. Ce fut certainement le plus grand événement en Europe, avec un public de trois à cinq mille personnes, dont cinq cents prirent refuge. Karmapa passa au milieu des rangées de milliers de visiteurs pour, selon la tradition lors de la prise de refuge, couper lui-même de petites mèches de cheveux aux “nouveaux” bouddhistes.
Lors de cet évènement Karmapa montra à nouveau l’influence qu’il avait sur les autres maîtres. Ken Holmes décrivit ainsi l’attitude du maitre Zen Deshimaru :
au cours de la cérémonie, il paraissait être de plus en plus mal à l’aise dans l’incroyable aura de cette initiation. Il semblait osciller entre le rôle de professeur et celui d’élève. Sa Sainteté prit le damarou (tambour à main) et tout en jouant, fixa le Maître Zen. A la fin du passage, il joua le dernier crescendo comme un coup de tonnerre , et le maitre Deshimaru fut littéralement secoué. Sa Sainteté sourit. Le Maître Zen se détendit alors et sembla avoir compris quelque chose. Par sa capacité à montrer aux êtres de différents caractères ce dont ils ont besoin, Karmapa était un maître des maîtres.[2]
Visiblement impressionné par Karmapa , le Maître Zen l’invita dans son centre. Pour lui exprimer son respect, il lui offrit, selon Lama Ole Nydahl, « les plus beaux des cadeaux que je ne lui ai jamais vu recevoir », dont « une bonne douzaine de statues, pour la plupart tantriques. »[3]
À Paris, Karmapa et son entourage séjournèrent dans le nouveau centre Kagyu Dzong fondé par Kalou Rinpoché. Deux bienfaiteurs virent alors le voir , chacun pour lui donner une ferme et un terrain afin d’y établir un centre : Bernard Benson, propriétaire de vastes terres en Dordogne et Erwan Temple, d’un grand domaine dans les Pyrénées.
Selon Erwan Temple, le public des différents événements à Paris
"... était composé de personnes déjà établies. Ils venaient par le biais de cercles et d’associations des De Swartes, Jacques Bensoam, Madame Eyserric, Anne Berry, Maurice Hélène et d’autres. Chaque groupe amenait d’autres personnes issues de son cercle. Parmi les présents se trouvaient également Madame Kaufmann, théosophe avec de nombreux disciples à Paris et Paul Arnold..." [4]
La rencontre avec Karmapa fut une expérience essentielle pour beaucoup et eut de larges répercussions, y compris pour les organisateurs. Comme le précise Erwan Temple :
"Elle leur donna l’énergie d’œuvrer pour le Dharma pendant au moins quelques années : certains écrivirent des livres, réalisèrent des films, donnèrent des conférences, d’autres financèrent des centres. Personne ne repartit sans s’engager plus avant. Environ les trois quarts de ces personnes consacrèrent une grande partie de leur vie ou toute leur vie au Dharma."[5]
L’étape suivante du voyage conduisit Karmapa à Kagyu Ling en Bourgogne, fondé également par Kalou Rinpoché l’année précédente. C’était le seul centre Kagyupa en France, à part Kagyu Dzong. Il inaugura le centre, installé dans un château.
Dans ce lieu, ses disciples occidentaux ont pour la première fois été témoins de la façon dont Karmapa aidait les oiseaux après leur mort. Ole Nydahl : « A Kagyu Ling , nous avons, pour la première fois, vu les oiseaux de Karmapa en méditation. Un lama, exultant de joie, descendit les escaliers tenant un oiseau jaune sur une petite assiette. Il était assis là, tout raide, le bec pointé vers le haut. Le Lama nous dit « Il a été béni par Karmapa ». L’oiseau venait juste de mourir et avait été amené Rangjung Rigpé Dordjé, car il était connu pour sa capacité à aider les animaux après leur mort. Karmapa commenta : « Son esprit sera libéré ce soir. C’est un Bodhisattva ». Et en effet, le soir venu l’oiseau ’s’effondra sur le côté et fut, selon Nydahl, « enterré avec un rituel ». Partout, Karmapa ’s’occupait avec tendresse du nombre croissant de ses petits compagnons de voyage. Il récitait des mantras puis soufflait dessus pour les bénir. « Je leur enseigne la méditation », expliquait-il aux personnes présentes. « Les pinsons jaunes et les canaris, en particulier, sont souvent des Bodhisattvas. Regardez comment ils ’prennent soin les uns des autres lorsqu’ils sont malades. Et Iils ne mangent jamais de graines avec des vers pour ne pas nuire aux insectes.. »[6]
Audience avec le Pape
Au cours de son voyage, Karmapa avait déjà rencontré des représentants du clergé - dont l’évêque de Stockholm et ceux d’Autun, ville proche de Kagyu Ling – mais une rencontre interreligieuse bien plus importante était désormais à l’ordre du jour : Karmapa s’envola pour Rome où une audience était prévue avec le Pape. Namkhai Norbu Rinpoché en était l’organisateur. Le pape Paul VI, connu pour son intérêt pour le dialogue interreligieux, reçut Karmapa avec un discours émouvant:
Votre Sainteté, nous sommes heureux de vous accueillir aujourd’hui dans le palais apostolique et de vous exprimer notre gratitude d’avoir souhaité nous rencontrer. Nous sommes amis de tous les êtres de bonne volonté et particulièrement de ceux qui, comme vous, transmettent les valeurs spirituelles et morales de l’humanité.
Le second Concile du Vatican a exprimé sa admiration sincère pour le Bouddhisme sous ses différentes formes et souligné sa contribution à l’évolution de l’humanité. Nous avons créé un secrétariat afin de favoriser les relations avec les religions non chrétiennes. Nous sommes heureux que, dans le monde entier , nos frères et sœurs de l’Église catholique soient de plus en plus ouverts à une coopération amicale avec eux pour promouvoir la paix et les valeurs spirituelles et morales au sein de l’humanité
Tout progrès moral et religieux contribue à la paix mondiale. Nous souhaitons à Votre Sainteté un excellent séjour à Rome et une découverte enrichissante de la Basilique Saint-Pierre, qui reçoit la visite de pèlerins du monde entier en cette année sainte. Nous sommes tous pèlerins de l’Absolu et de l’Eternel, qui seulsc peuvent combler véritablement le cœur des hommes. Puisse notre rencontre d’aujourd’hui contribuer à la paix dans votre pays.
" Nous souhaitons également à votre Sainteté et à tous vos fidèles, abondance de prospérité spirituelle et de paix.[7]
Lors de sa visite à la Basilique Saint-Pierre, Karmapa ’s’ intéressa , entre autres, aux motifs en marbre sur le sol – rien d’étonnant, puisque leur forme rappelle celle des mandalas tibétains.
La rencontre avec le Pape a aussi retenu l’attention internationale - et on put lire le lendemain dans le New York Times :
Le pape Paul VI, ’ appelé "Votre Sainteté", salua hier, avec le même titre honorifique , un chef religieux tibétain, le Lama Gyalwa Karmapa, en visite au Vatican en compagnie d’autres moines bouddhistes."[8]
Avant de s’envoler à nouveau pour la France, il lui restait un peu de temps pour visiter la capitale italienne et faire quelques achats. Karmapa l’utilisa à sa manière pour le bien des êtres, comme Erwan Temple le raconte :
Une femme nommée Laura Albini invita Karmapa et son entourage dans un magasin de chaussures de luxe à Rome. Karmapa s’assit sur l’un des luxueux canapés. C’était une très grande salle, haute de plafond où les chaussures étaient posées sur des étagères en bois noble.. On présenta à Karmapa quelques modèles, mais il les refusa. En revanche, il pointa du doigt d’autres boîtes qu’il souhaitait. Il les ouvrit, toucha les chaussures, parfois souffla dessus puis les redonna. Il fit ceci pour un grand nombre de paires avant finalement d’en choisir une. Nous avons compris seulement plus tard qu’il avait demandé de lui apporter toutes ces chaussures pour créer un lien avec les animaux dont la peau avait servi à la confection.
Puis Karmapa nous surprit en repartant à pied. C’était sa première venue à Rome et pourtant il nous guidait. Il tourna dans une petite rue et entra dans une boutique de vente d’oiseaux ! Je ne me souviens plus exactement du nombre d’oiseaux qu’il acheta. La façon dont il avait trouvé la boutique est restée pour nous totalement mystérieuse. . On aurait pu croire qu’il avait un GPS dans la tête.[9]
Idylle dans la province française
Après son retour en France, Karmapa rendit visite aux De Swartes, couple qui l’avait invité à séjourner dans leur maison de campagne près de Saint-Étienne. Par une belle journée ensoleillée de janvier, il atterrit à l’aéroport de Lyon, où des journalistes l’attendaient déjà. Même si à l’époque la visite des maîtres tibétains n’était pas aussi couverte sur le plan médiatique qu’aujourd’hui, l’arrivée du Karmapa fut cependant annoncée à la télévision ’’nationale. Les journalistes essayèrent de suivre le maître tibétain - mais le chauffeur Etienne de Swartes les distancia grâce à sa conduite rapide sur les petites routes secondaires de la région, ce que Karmapa apprécia visiblement : la visite devait avoir un caractère privé.
La maison des De Swartes était idéalement située, dans une clairière r isolée. En ce jour d’hiver ensoleillé, outre le bruissement (de l’eau) du ruisseau, des sons jusqu’alors inconnus résonnaient : ceux des Gyalings tibétains qui accompagnaient l’arrivée de Karmapa tandis qu’il descendait en voiture le chemin d’entrée, décoré de signes auspicieux,.. Les jours suivants, ce lieu paisible , qui n’était qu’après tout qu’ une maison privée, fut en pleine effervescence. L’hôtesse Georgina de Swartes raconte :
" Le jour des cérémonies de la Coiffe Noire, nous étions soixante à déjeuner, dans deux cuisines. Karmapa s’était retiré au second étage car l’endroit grouillait de monde. Il ne descendit que pour les cérémonies. Nous étions tous très heureux avec Karmapa, nous formions vraiment une grande famille !"[10]
Comme le temple était trop petit pour contenir tous les invités, il donna deux ou trois cérémonies à la suite. Comme toujours, son séjour fut rempli d’invitations inattendues :
Tout d’un coup, le téléphone sonna. C’était un couple de Tibétains qui s’occupait d’une douzaine de jeunes orphelins tibétains à Lyon et assumait auprès d’eux le rôle de parents. Le couple invitait Karmapa et le priait de venir réciter des manis*. Nous sommes donc partis pour Lyon. Imaginez-vous la scène : Karmapa rayonnait d’une dignité naturelle, cependant sans jamais se mettre en avant ! Avec son autorité naturelle, il se dirigea directement vers le Lhakhang (temple) de la maison de l’hôte et inspecta l’autel. Mais de façon soudaine, il quitta la pièce avec un visage grave et dit à Etienne (de Swarte) "’Nous repartons, nous rentrons !
Les hôtes furent profondément choqués. Ils lui proposèrent de prendre au moins une tasse de thé. Mais Karmapa refusa :
« Non, non, on rentre ! » Il prononça ces mots d’une telle voix , que ’l’on aurait dit Mahakala en personne qui parlait, et non le Karmapa dont on avait l’habitude : « Nous partons ! »
Encore aujourd’hui nous ne savons pas comment nous avons réussi à rouler avec cet orage, sous une pluie battante, des éclairs et le tonnerre. À côté de nous, Karmapa ’ récitait sans cesse le texte de Mahakala. L’atmosphère dans la voiture était vraiment indescriptible, tout ceci semblait irréel.
Quand enfin nous arrivâmes à la maison de campagne, nous ne savions toujours pas ce qui s’était passé. Des années plus tard, les hôtes en eurent l’explication :
Sur l’autel de la maison se trouvait la représentation d’un certain « protecteur », c’est pourquoi Karmapa quitta immédiatement l’endroit et demanda à rentrer chez nous ![11]
Berceau de la civilisation européenne – Berceau du bouddhisme européen
Pendant son séjour chez les De Swartes, Karmapa reçut un appel téléphonique de Bernard Benson, un riche scientifique, qu’il avait déjà vu brièvement à Paris. Benson souhaitait rencontrer Karmapa pour lui faire part d’un don important en Dordogne. Il avait de grands projets, mais ceux-ci ne purent voir le jour, car ils incluaient, au grand dam des autorités locales, la création d’une enclave tibétaine souveraine avec son propre passeport et sa monnaie.[12] Un peu plus tard, il arriva avec sa femme et ses trois petites filles dans la maison déjà bondée, et s’entretint avec Karmapa pendant plusieurs heures. Georgina de Swartes : "puis débordant d’enthousiasme, il quitta la pièce et dit "Karmapa prend un taxi aérien demain matin et visitera la Dordogne." Karmapa décida de visiter le terrain de Benson, situé dans une région où le nom de nombreux lieux évoquent des époques du développement humain en Europe[13], et qui deviendrait aussi bientôt le berceau du bouddhisme européen.
Le lendemain, Karmapa quitta le petit paradis près de Saint-Étienne et s’envola pour Brive-La-Gaillarde, dans le sud-ouest de la France, où M. Benson et sa famille l’attendaient déjà. Jigmé Rinpoché se souvient :
"Nous nous sommes rendus ensemble au château de Chaban des Benson puis sur le point culminant de son bien sur la Côte de Jor. Là-haut, Karmapa proclama : « C’est exactement l’endroit approprié pour répandre le Dharma en Europe ! » C’était une journée magnifique, le ciel était complètement dégagé. Mme Benson trouva un coquillage fossilisé et l’offrit à Karmapa." [14]
Karmapa interpréta cela comme signe de très bon augure, puisqu’un coquillage semblable avait été trouvé au cours de la construction de Rumtek, et les coquillages symbolisent la propagation du Dharma.[15]
Pluie de bénédiction
Avant de partir, Karmapa avait demandé à Benson de prendre un parapluie. Christian Bruyat :
Benson répondit : « il fait très beau aujourd’hui, vous n’avez pas besoin de parapluie !" Mais Karmapa insista.
Il voulait marquer le lieu du futur monastère sur le terrain. Au moment où il bénit le site, du ciel bleu tomba une pluie légère, une "pluie de bénédiction". Karmapa expliqua alors : “Il pleut des fleurs !”[16]
Jigmé Rinpoché se souvient de cette pluie très particulière :
"Certaines personnes ne le croiront peut-être pas tandis que d’autres si, mais ces fleurs à nouveau disparurent deux mètres avant de toucher sol. Ce phénomène était visible seulement dans un rayon d’environ cent mètres carrés. Pour ceux qui croient fermement aux symboles et au mysticisme, ce signe est de grande importance. Les intellectuels, eux, en douteront peut-être.” Au même moment, des arcs-en-ciel apparurent et Bernard Benson les photographia. Karmapa souligna de nouveau que cet endroit deviendrait un lieu très grande portée pour le bouddhisme en Europe !"[17]
Karmapa voulut ensuite, comme autre symbole de la propagation du Dharma dans l’ouest, dresser un mât avec des drapeaux de prière sur le terrain. Ce qui arriva alors était un signe très positif de l’intégration de l’enseignement bouddhiste dans la nouvelle culture : deux policiers locaux avaient repéré le groupe depuis la rue voisine et s’étaient arrêtés pour le surveiller. Bruyat : « Karmapa fit signe aux gendarmes de venir et, comme des enfants, ils lui obéirent. Il leur demanda de tenir les poteaux et ils s’exécutèrent. Dans l’après-midi, il donna des explications sur l’orientation du monastère en pointant le doigt vers la colline opposée et annonça : « Il devrait être dans cette direction. Et s’il n’est pas construit rapidement, il y aura de très grands obstacles. »[18]
À cette époque, Benson avait déjà rencontré le chef de l’école Nyingmapa, Dudjom Rinpoché, et lui avait proposé de choisir une partie des terres. Karmapa n’en avait pas été informé. Une fois de plus ses actions contredisent toutes explications logiques car, dans son immense clairvoyance- nous ignorons à quels niveaux un Karmapa communique avec ses pairs – Dudjom Rinpoché n’accepta pas le don de l’ensemble des terres, et, poursuit Jigmé Rinpoché, « Karmapa choisit uniquement la partie que Dudjom Rinpoché n’avait pas prise. »[19] Dudjom Rinpoché avait déjà eu, au Tibet, une vision concernant la Côte de Jor, qui prophétisait que le Dharma se répandrait très largement à partir de cet endroit.[20]
La brève visite de Karmapa en Dordogne jeta les bases de son futur siège européen. Les terres de Benson abritent aujourd’hui deux centres Nyingmapa, chacun avec un centre de retraite traditionnelle de trois ans.
Le soir même, figurait au programme, à l’invitation du Centre Tibétain, une visite à Aix-en-Provence – de l’autre côté sud de la France, que Karmapa ne voulait pas annuler. Il était infatigable. Comme si la journée n’avait pas été assez riche en événements, et en raison de l’immense foule, Karmapa donna deux fois la Cérémonie de la Coiffe Noire, de la prise de refuge et des vœux de bodhisattva puis transmit l’initiation du Bouddha de Médecine.
Le chemin le conduisit ensuite, via Marseille, jusqu’aux contreforts des Alpes de Haute-Saône, où le psychologue Jean-Pierre Schnetzler, disciple de Kalou Rinpoché, lui offrit une ferme, qui deviendrait plus tard un autre important centre Karma Kagyu sous le nom de Karma Migyur Ling. En seulement trois semaines, trois centres avaient été offerts à Karmapa : Dhagpo Kagyu Ling, Karma Gön[21] et Karma Migyur Ling.
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[1]
[2] Ken Holmes in : Levine: Miraculous 16th Karmapa, a. a. O., p. 297.
[3] Nydahl: UberÜber alle Grenzen, a. a. O., édition 1990, p. 52/53
[4] Toutes les citations de Erwan Temple proviennent de l’interview accordée à l’ auteur aux Eyzies, 2013
[5] Ibidem
[6] Cit. selon Nydahl: Uber alle Grenzen, a. a. O., p. 53. Dans le chapitre Karmapa et les animaux, vol.2 figurent plusieurs récits sur la façon dont Karmapa aidait les animaux après leur mort.
[7] Le discours se trouve dans Walt van Praag : His Holiness Gyalwa Karmapa…, a. a. O.
[8] New York Times, 18.01.1975.
[9]
[10] Tous les citations de G. und E. de Swarte viennent de l’interview à Cotonas/ St. Just-Malmont, 2011.
[11] Interrogée lors de l’interview, Georgina de Swarte a confirmé que la personne en question était le protecteur mondain ou le démon rejeté par le Dalaï-Lama mais vénéré par la Nouvelle Ecole Kadampa (Shugden).
[12] Selon Jean-Louis Massoubre, qui a co-organisé le second voyage de Karmapa en Europe, la forme juridique prévue était la création d’une vaste ambassade tibétaine.
[13] Comme p.ex. l’époque Magdalénienne, Microquienne ou Moustérienne. Non loin se trouve la grotte préhistorique célèbre de Lascaux, que Karmapa visita en 1977.
[14] Jigmé Rinpoche, Conférence lors de l’inauguration de l’Institut, juin 2013.
[15] Récit de Anne Benson.
[16] Interview avec Christian Bruyat, Peyzac Le Moustier, 2013.
[17] Jigmé Rinpoche, conférence lors de l’inauguration de l’Institut., a. a. O. Guendune Rinpoché a expliqué plus tard que la perception d’une pluie fine ou d’une pluie de fleurs dépendait de l’ouverture ou de la réalisation de chacun.
[18] Interview avec Christian Bruyat, Peyzac Le Moustier, 2013. Cependant, la mise en œuvre du projet de monastère fut retardée et les obstacles ne tardèrent pas : comme aucun permis de construire n’avait pu être obtenu, en 1984, des terrains furent achetés en Auvergne pour construire des temples, des centres de retraite et des monastères sous la direction de Guendune Rinpoché. L’ouverture de la bibliothèque, souhaitée par le 16ème Karmapa, n’a pu se faire avant 2013 en raison de toutes ces difficultés. (Voir le chapitre : Les souhaits du Karmapa dans le volume 2).
[19] Jigmé Rinpoche, conférence lors de l’inauguration de l’Institut, a. a. O.
[20] Ibidem. Arrivé en Dordogne en 1974, Dudjom Rinpoché reconnut le paysage idyllique dont il avait eu la vision.
[21] Même si Karma Gön était un immense domaine au pied des Pyrénées, il ne se développa pas comme souhaité et fut abandonné par la suite. Le donateur Erwan Temple laissa le nom historique du monastère de Karmapa au Kham à l’organisation Diamond Way, qui l’utilise pour son centre près de Malaga (entretien avec Erwan Temple, juin 2013).
[ph1]Je ne comprends de quel centre il s’agit ?!
[ph2]Le nom complet de Karmapa me semble plus adapté et plus respectueux en français.
[g3]Ca fait trop lourde Rigpe Dordje est ok